Sarah-Anaïs Desbenoit
Phalène - Film - 20min - 2022
présenté dans le cadre de l'exposition Panorama 24
Dans Phalène, le territoire et l’époque sont incertains. Tout au plus peut-on évoquer un caractère prémoderne puisque la nature semble être encore la principale interlocutrice. Les deux héroïnes s’affairent ici à des tâches quotidiennes dont la régularité décrit une existence réglée par les rites les plus anodins : dormir, manger, laver, soit des activités qui inscrivent le récit dans la sphère de la domesticité. Les actions se substituant aux mots, l’absence de dialogue a pour effet d’accroître la précision des gestes. Pareille chorégraphie ménagère est d’autant plus visible que les deux personnages sont comme le double de l’autre. Leur ressemblance physique se déploie d’ailleurs dans leur étrange mouvement en miroir. Ainsi, la vie journalière est empreinte d’un mystère que le film ne va cesser d’intensifier, à travers le soudain décalage entre ces deux corps synchronisés.
Il est ainsi question de fièvre et d’eau, de grotte et de peau, de brume et de sortilège, l’ensemble de ces motifs glissant comme dans un rêve, à l’image d’une embarcation brouillant la surface d’un lac, au-devant d’un orgue de pierres, sans que les deux protagonistes n’aient à donner un seul coup de pagaie. Entre le devenir statue des deux sœurs jumelles et leur inscription dans un monde liquide, Sarah-Anaïs Desbenoit laisse poindre une dialectique quelque peu magique. La dimension fantomatique qui traverse son film est l’expression d’un dialogue entre les éléments, comme si ces derniers ne pouvaient surgir que sous la forme d’un trouble, face à l’ordonnancement de ces vies trop bien réglées. Le corps et l’esprit font alors césure, le réel se fissure, et la psyché s’ouvre à une humeur vagabonde. Les plans-tableaux de Sarah-Anaïs Desbenoit sont tentés par le mythe, et, avec lui, par un récit presque premier qui chercherait à inventer des figures – finalement jamais égales à elles-mêmes –
Texte écrit par Fabien Danesi.
Sarah-Anaïs Desbenoit
Née à Paris, Sarah-Anaïs Desbenoit sort diplômée de l'École nationale supérieure d'arts de Paris-Cergy en 2020, avant d'intégrer Le Fresnoy -- Studio national. Alimenté par des recherches au long cours -- développées notamment lors d'une résidence à l'oasis de Thighmert dans le désert marocain et d'un stage à la villa Kujoyama au Japon, son travail porte sur les mécanismes d'apparition et de disparition des images et leurs influences sur la mémoire et la cognition. Par la réalisation de miniatures, mais également par l'usage de la vidéo, de la projection et du son, sa pratique se développe autour de la question de l'illusion et du désordre sublimé. Invitant à la méditation et au ralentissement, ses instal- lations visuelles et sonores sont conçues comme des lieux liminaux où se superposent plusieurs strates de réalité. En 2022, elle réalise Phalène, un court métrage tourné en 16 mm, qui nous plonge dans un conte composé d'une succession de tableaux vivants dans lequel deux sœurs jumelles vont vivre une expérience mystique. Le film a été sélectionné en compétition (Ammodo Tiger Short Competion) à L'IFFR (Rotterdam), en première mondiale.
Parallèlement à sa pratique artistique, Sarah-Anaïs est monteuse-étalonneuse, cheffe opératrice et assistante réalisatrice.
Elle réalise également des clips vidéo pour des musiciens émergents et assiste différents artistes dans la production audiovisuelle pour des musées et pour des enseignes de haute couture.
Production
Crédits
› Interprétation : Biole Chae Park, Dalle Chae Park
› Image : Maxime Berger
› Montage image : Sarah-Anaïs Desbenoit
› Son : Marlon Magnée, Arthur Brouard
› Montage son : Benjamin Poilane
› Mixage : Antoine Cottais
› Accompagnement artistique : Yann Gonzalez & Alain Garcia Vergara
Remerciements
Biole chae Park, Dalle Chae PARK, Maxime BERGER, Mathilin BERNARD, Garance SCHARF, Stellina VITALE, Corentin DARRÉ, Yannis BRIKI, Pierre MOULIN, Arthur HECKY.
Yann GONZALEZ, Stéphane SMOGOR, Marlon MAGNÉE, CINE-DA (bureau du film Drome Ardéche Her- vé landais Mellie Michéle Arnaud)