Artiste-professeure invitée

2025 - 2026

Marie Losier

Née en 1972 à Boulogne (France)

Marie Losier est cinéaste et plasticienne. Elle a étudié la littérature à l'Université Paris 10 (DEA en littérature et poésie américaine) et les beaux-arts au Hunter College de New York, ville où elle a vécu et travaillé pendant plus de vingt ans. Elle a réalisé de nombreux portraits avant-gardistes, intimes, poétiques et ludiques d'artistes, de cinéastes et de musiciens. Ses films ont été présentés dans de nombreux festivals (Cannes, Venise, Berlin, IDFA, Tribeca/NYC, CPH:DOX, Bafici, Cinéma du réel, etc.). Ceux-ci ont aussi été montrés dans des espaces muséaux, notamment à la Tate Modern (Londres), au MoMA (NYC), au Centre Pompidou (Paris) et au Whitney Museum (NYC). En 2025, son dernier long métrage, *Peaches Goes Bananas, *a été sélectionné à la Mostra de Venise. Cette même année, elle a réalisé un moyen métrage, *Barking In The Dark, *consacré aux RESIDENTS, un collectif d'artistes originaires de San Francisco. Elle travaille actuellement sur un portrait de la chorégraphe et danseuse Marlene Monteiro Freitas, qui a inauguré avec sa pièce *NOT, *le festival d'Avignon 2025. C'est ce film qu'elle réalisera dans le cadre de son invitation au FresnoyStudio national.

Le portrait comme forme

« Depuis un peu plus de vingt ans, les plus belles rencontres de ma vie ont donné lieu à des "biopics" d'artistes atypiques, résultats d'un double mouvement d'écriture : la relation filmeurfilmé, l'ambiguïté entre celui qui est mis en scène et le metteur en scène, le dialogue entre la réalité d'un personnage et le cadre que j'imagine. Un doux mélange entre le réel, la documentation et l'artifice. Le résultat final se construit à travers l'expérience du travail commun avec la personne rencontrée. Ainsi, mes films, dessins, performances sont à l'image de leur sujet, tant dans leur teneur et leur signification que dans leurs contours. C'était le cas aussi bien avec Alan Vega que Peaches, George Kuchar, Guy Maddin, Richard Foreman, Tony Conrad, Genesis P. Orridge et les derniers en date, le catcheur gay Cassandro et le musicien électronique allemand Felix Kubin. »

Dans chacun de ces films s'installe une relation d'amitié et de travail avec les personnes filmées, qui s'inscrit dans le temps. Le film ne devient possible que par cette longue immersion pleine et entière qui permet de croiser l'intimité et la création. Les personnes deviennent ces stars, des êtres aimés, et les films des lettres d'amour. Marie Losier capte ainsi toute une partie « classiquement » documentaire de la vie, le quotidien des personnes chez elles, dans leur atelier, sans intervenir sur ce qui a lieu : concerts, performances ou folies du jour. En ce sens, chaque film se présente comme une création documentaire dont la proximité avec l'expérimentation est pleinement assumée tant dans le caractère esthétique du film que dans sa narration. Chaque tableau convoque tous les éléments du cinéma : le cadre, les décors, la lumière, les costumes, le maquillage, les mouvements, qui sont utilisés comme autant de matériaux plastiques. Ils jouent de l'artifice, de la mise en scène.

Loin des conventions biographiques ou factuelles, ces films construits comme des tableaux vivants -- c'est leur essence et leur but -donnent une place centrale à la marginalité, à l'excentricité, à la liberté, aux drames, à la mise en place d'espaces de jeu, aux pitreries mais aussi à la tragédie et à la création. À chaque fois, il s'agit de profiter pleinement de moments et d'instants fugaces pour extraire une force de vie plutôt que d'uniquement en témoigner.

Marie Losier ne fait pas de l'art politique au sens militant, mais elle politise l'intime, transformant chaque geste, chaque costume, chaque film en un acte de réappropriation.

Par son usage du 16 mm, des matériaux bruts et des récits fragmentés, l'artiste propose une alternative à la standardisation de la culture contemporaine. Elle démontre ici que l'art peut encore servir d'outil d'émancipation, de révélateur des identités plurielles qui composent notre époque, nous rappelant qu'il peut être, même dans sa forme la plus ludique, un acte de résistance. Célébration de la liberté créative, hommage aux marges et à ceux qui les habitent. Marie Losier, avec son langage visuel foisonnant et ses récits intimistes, transforme l'espace de l'art en une fête subversive sujette aux réflexions joyeuses, un monde où chaque détail raconte une histoire de résistance et de tendresse, où le kitsch devient politique et l'amitié, œuvre d'art.