Artiste-professeur invité

2025 - 2026

Sammy Baloji

Né en 1978 à Lubumbashi (Congo-Brazzaville)

Depuis 2005, Sammy Baloji sonde la mémoire et l'histoire de la République démocratique du Congo. Son travail prend la forme d'une recherche continue sur le patrimoine culturel, architectural et industriel de la région du Katanga, ainsi que d'une remise en question de l'impact de la colonisation belge. Son usage d'archives photographiques lui permet de manipuler le temps et l'espace, en comparant les anciens récits coloniaux à l'impérialisme économique contemporain. Ses œuvres vidéo, ses installations et ses séries photographiques révèlent l'histoire du présent et mettent en lumière la manière dont les identités sont façonnées, transformées, perverties et réinventées. Il rend tangible la présence du passé afin d'identifier et d'amplifier ce qu'il recèle pour l'avenir. Son regard critique sur les sociétés contemporaines constitue un avertissement quant à la manière dont les clichés culturels modèlent encore les mémoires collectives et autorisent ainsi les jeux de pouvoir sociaux et politiques à continuer de dicter le comportement humain.

Artiste et cinéaste pluridisciplinaire, Sammy Baloji ne s'intéresse pas au colonialisme en tant que source de nostalgie ou doctrine révolue, mais plutôt à la perpétuation de ce système.

« Comment intégrer le contexte colonial et ses outils afin de les dépasser et de raconter leur histoire par le biais de toutes ces connaissances qui n'ont pas disparu et n'ont pas été effacées? » et « Comment combiner tradition et modernité ? » sont deux questions centrales de l'œuvre de Sammy Baloji, qui entend repenser et reconnecter différents territoires et histoires à travers les époques pré- et postcoloniales.

Sammy Baloji a une prédilection pour l'urbanisme, le patrimoine industriel, ainsi que les cartes et les archives, dont il met au jour les faces cachées et les dimensions politiques et sociales. Toutes ces disciplines font appel à des formes matérielles, à des savoirs ancestraux et à des voix réduites au silence. En ramenant le passé dans le présent et en rendant ces fragments du passé pertinents aujourd'hui, Sammy Baloji donne de la profondeur au

présent, permettant ainsi de le soustraire au contingent et de distinguer l'accidentel du mémorable. Il capture l'absence afin de mieux transformer le présent.

Un thème récurrent et sous-jacent dans l'œuvre de Sammy Baloji concerne son intérêt pour les matières organiques qu'abrite le Congo -- telles que l'uranium -- qu'il considère à la fois comme un lieu de conflit et un réservoir de connaissances. Dans ses réflexions, la violence du système colonial et les effets de la désindustrialisation sont vus comme un moment de rupture qui marque le début de l'Anthropocène : les plantes, les sols, les populations locales et les écosystèmes ont été domestiqués à la suite de la globalisation, dont l'impact se fait sentir dans le monde entier.

Son œuvre vise à offrir une perspective différente des récits dominants, qu'il subvertit grâce à des interventions poétiques porteuses de réflexion plus que d'émotion, et met en avant des revendications idéales et morales plutôt que matérielles et superficielles. Son point de vue nous permet de trouver de la force dans les ruines de la modernité tout en nous invitant à réfléchir à nos responsabilités citoyennes envers celles et ceux qui ont jadis bâti les infrastructures et les villes dans lesquelles nous vivons, qu'elles soient physiques ou conceptuelles.

Sammy Baloji est également l'un des membres fondateurs du collectif Picha, une association culturelle et artistique officiant à Lubumbashi, en République démocratique du Congo. Depuis 2008, les activités du collectif consistent à diffuser et à promouvoir l'art contemporain à travers la recherche, les rencontres et les échanges, les résidences artistiques, le soutien aux projets de jeunes artistes (Ateliers Picha), et l'organisation de la Biennale de Lubumbashi.